Quand le cheval devient un partenaire : l’équithérapie et les enfants porteurs de TSA
- Julia Lamme-Thomas
- 1 oct.
- 5 min de lecture
On dit souvent que les chevaux comprennent ce que les mots ne disent pas. Mais que peut vraiment apporter un poney ou un cheval à un enfant porteur de troubles du spectre de l’autisme (TSA) ?Si vous cherchez une réponse simple, vous ne la trouverez pas ici. Parce qu’il n’y a pas de miracle, pas de recette toute faite. En revanche, il y a des histoires. La mienne, celle d’une maman d’un petit garçon autiste, et mon regard de thérapeute qui accompagne au quotidien les parents d’enfants porteurs de TSA.


L’équithérapie n’est pas un
"soin magique". C’est un chemin. Et comme tout chemin, il est parfois sinueux, long, plein d’embûches… mais aussi riche de petites victoires qui transforment la vie d’un enfant, et celle de sa famille.
Les débuts : les flaques plutôt que le poney
Quand nous avons commencé, Marius ne voulait pas rester sur le poney. Pas par peur. Non, lui, il préférait les flaques d’eau qui entouraient le manège. Le poney n’était qu’un détail dans son univers : ce n’était pas lui qui captait son attention.
Cette scène illustre parfaitement ce qu’est l’équithérapie : on ne peut pas forcer l’enfant à s’intéresser au cheval. On ne peut qu’accompagner, patienter, proposer. Et parfois accepter que l’évolution prenne du temps. Beaucoup de temps.
Je me souviens de ces premières séances où je regardais Marius descendre de selle au bout de quelques minutes seulement. Et je me demandais : "Est-ce que ça vaut vraiment la peine ?"
Le temps comme allié
L’équithérapie est une école de patience. Les progrès ne se mesurent pas en semaines mais en mois, parfois en années. L’enfant doit apprivoiser l’animal, mais surtout son environnement, les bruits, les odeurs, la texture de la crinière sous les doigts, le mouvement du dos qui oscille sous lui.
Aujourd’hui, après plusieurs mois, Marius fait des balades de 45 minutes. Lui qui ne tenait pas en place au début, il demande maintenant "le trot" et c’est avec un immense sourire qu’il profite de ce moment.
Mais ce qui me bouleverse le plus, c’est ce lien qui s’est créé : Marius, qui est non verbal, répond au hennissement du poney en l’imitant, dans une sorte de jeu d’écho plein de joie. Ce n’est pas une phrase, mais c’est une conversation. Et pour lui, pour nous, c’est énorme.
Le cheval, un médiateur unique
Pourquoi le cheval et pas un autre animal ? Parce qu’il est un miroir. Il ne juge pas, il ne force pas, il accueille. Le cheval est un médiateur silencieux, mais incroyablement puissant.
Pour un enfant porteur de TSA, la relation à l’autre peut être compliquée, chargée d’attentes implicites. Avec le cheval, ces attentes disparaissent. L’enfant n’est pas sommé de parler, de regarder dans les yeux, de répondre. Il peut simplement être.
Et pourtant, dans ce "simplement être", mille apprentissages se glissent :
accepter un contact physique (brosser, caresser, tenir les rênes),
réguler ses émotions face à un animal sensible,
coordonner ses mouvements pour garder l’équilibre,
entrer en interaction par d’autres canaux que la parole.
Des jeux, des apprentissages cachés
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, une séance d’équithérapie n’est pas qu’une balade. C’est un espace de jeux et de découvertes, qui masquent des apprentissages bien plus profonds :
Lancer un ballon en selle : l’enfant travaille son équilibre, sa motricité fine et sa coordination.
Mener le cheval en longe : il apprend à donner une consigne claire, à guider, à se sentir capable d’influencer son environnement.
Panser le poney : il découvre une routine, un début et une fin, la patience que demande chaque geste.
Imiter les bruits du cheval, souffler des bulles près de lui, chanter en le caressant : il expérimente une communication alternative, parfois plus spontanée que la parole.
Ces jeux sont autant d’occasions de travailler sur la confiance, la régulation, l’attention conjointe , sans jamais mettre l’enfant en échec.
Un langage commun : celui du vivant
Ce que je trouve fascinant, c’est ce point commun entre les enfants non verbaux et les animaux : chacun a son propre langage. Un langage fait de sons, de gestes, de silences, de regards ou de mimiques.
Quand Marius imite le hennissement du poney, il ne "parle" pas dans le sens classique du terme, mais il entre en relation. Et cet échange, aussi singulier soit-il, est porteur de sens et de plaisir partagé.
C’est peut-être là l’essence de l’équithérapie : offrir un terrain où la communication peut exister autrement, dans une langue qui ne ressemble pas à la nôtre mais qui touche au cœur.
Les limites à ne pas ignorer
Je ne veux pas idéaliser l’équithérapie. Elle a aussi ses limites, que tout parent doit connaître :
Le coût : les séances sont souvent onéreuses, rarement prises en charge, et peuvent représenter un vrai sacrifice financier.
La logistique : il faut du temps, de l’énergie, parfois des trajets longs.
L’accroche : tous les enfants n’adhèrent pas. Certains n’aiment pas l’animal, d’autres mettent des mois à se sentir suffisamment à l’aise.
Accepter ces limites, c’est aussi respecter le rythme de son enfant et ne pas tomber dans l’illusion que "ça marche pour tout le monde".
Pour nous, une rencontre qui change tout
Si je prends le temps d’écrire cet article, ce n’est pas parce que je crois que l’équithérapie est "la solution". C’est parce que j’ai vu, dans le regard de Marius, un éclat nouveau grâce à ce poney.
De l’enfant absorbé par les flaques d’eau au petit cavalier qui rit en imitant un hennissement, il y a eu un chemin. Long, parfois décourageant, mais profondément riche.
En tant que maman, je chéris ces moments de joie simple. En tant que thérapeute, je sais combien ces histoires sont précieuses à partager, non pas comme des modèles, mais comme des possibles.
Et vous, parents ?
Si vous envisagez l’équithérapie pour votre enfant, voici ce que je vous conseillerais avec sincérité :
Donnez du temps : ne vous attendez pas à des résultats rapides. Observez les petites étapes, elles sont les plus importantes.
Évaluez vos ressources : financières, logistiques, émotionnelles. C’est un investissement, parfois lourd.
Restez ouverts : peut-être que votre enfant adorera. Peut-être pas. Dans les deux cas, vous aurez essayé, et c’est déjà un acte d’amour.
L’équithérapie n’est pas un miracle. Mais c’est une rencontre. Entre un enfant et un animal. Entre deux êtres qui, chacun à leur manière, cherchent à entrer en lien.
Et parfois, c’est dans ce hennissement auquel un enfant répond, dans ce sourire fugace qui illumine son visage, que se cache une victoire immense.



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