Personne ne voit tout ce que je fais : le poids invisible des parents d’enfants autistes
- Julia Lamme-Thomas
- 3 juin
- 5 min de lecture

"Ça va aller."
"Tu sais, il a quand même fait des progrès."
"Mais il ne fait pas de crises comme certains."
"Vous êtes trop dans l’analyse, laissez- le vivre sa vie."
"Franchement, je trouve qu’il va bien, moi."
"Vous exagérez un peu, tous les enfants ont des phases comme ça."
"Il faut juste lui parler normalement."
"Mais vous avez essayé de le stimuler un peu plus ?"
"Vous vous en sortez super bien, on dirait que c’est facile."
Ces phrases, anodines en apparence, viennent parfois de l’entourage, parfois même de personnes bien intentionnées. Pourtant, elles laissent un goût amer. Parce qu’elles traduisent une chose : ce que tu vis ne se voit pas. Ou plutôt, ce que tu portes n’est pas reconnu.
Quand tout repose sur toi et que personne ne le voit.
Être parent d’un enfant autiste, c’est vivre avec des responsabilités qu’on n’a pas choisies, mais qu’on assume, jour après jour. C’est devenir organisateur de prises en charge, interface entre les professionnels, médiateur avec l’école, régulateur de crises, observateur de signaux faibles, lecteur de comportements… et ce, sans formation au départ. Et c’est continuer à être tout cela, même quand personne ne t’applaudit. Même quand personne ne comprend l’effort qu’il t’a fallu pour simplement sortir de la maison ce matin.
Cette implication totale, cette charge mentale permanente, cette fatigue qui s’accumule, personne ne la voit vraiment. Et c’est précisément ce qui l’alourdit.
Tu portes tout. Tu tiens debout et pourtant, tu te sens souvent invisible.
L’entourage ne comprend pas parce qu’il ne le vit pas.
Tes journées sont millimétrées, organisées en fonction des besoins spécifiques de ton enfant. Tu gères les imprévus, tu t’adaptes sans cesse, tu acceptes de ne pas savoir de quoi demain sera fait. Dans ta réalité, il n’y a pas de pause. Pas de week-end. Pas de bouton off. C’est dans ce décalage que naît souvent la solitude. Et, parfois, une tristesse difficile à nommer : celle d’être entouré(e), mais incompris(e).
Le regard extérieur peut devenir une blessure.
Ce que les gens perçoivent de ta vie, c’est une image lissée :
Ton enfant qui rit parfois, alors que personne ne voit l’explosion émotionnelle qui a précédé.
Tes explications pédagogiques, alors que tu es au bord des larmes.
Ta rigueur d’organisation, confondue avec un simple "goût du contrôle".
La société a du mal à concevoir ce qu’elle ne voit pas. Et l’autisme, surtout lorsqu’il n’est pas associé à un handicap visible ou sévère, échappe aux codes de la reconnaissance. Alors tu expliques, tu t’excuses parfois, tu justifies. Et tu t’épuises.
L’isolement émotionnel dans un monde qui continue comme si de rien n’était.
L’un des sentiments les plus durs, c’est peut-être cette solitude en présence des autres. Tu es entouré(e), mais personne ne voit vraiment. Tu es soutenu(e), mais rarement écouté(e) profondément. Tu fais de ton mieux, mais on te dit encore que "ça pourrait être pire".
Il y a quelque chose de profondément douloureux à vivre une réalité intense et exigeante, tout en étant perpétuellement sous-estimé(e) dans ce que l’on donne, ce que l’on affronte, ce que l’on sacrifie.
Le couple mis à l’épreuve.
L’arrivée du mot "autisme" dans une famille bouleverse tout. Dans certains couples, chacun réagit différemment.
L’un veut aller vite dans la prise en charge, l’autre est encore dans le doute, dans l’inquiétude ou dans le déni. Les parents s’éloignent alors peu à peu : différences de perception, de rythme, de priorités.
Et il arrive aussi qu’on soit tellement absorbés par les besoins de l’enfant qu’on en oublie d’être deux. On devient une équipe logistique. On se parle pour s’organiser, plus pour s’aimer. Peu à peu, le couple s’efface derrière le rôle parental, jusqu’à ce qu’on ne sache plus comment s’y retrouver. Les échanges se réduisent à des checklists, des mails à envoyer, des rendez-vous à ne pas manquer. On devient partenaires de gestion, mais on oublie parfois qu’on s’est aimés. Et là encore, personne ne s’en rend compte. Le monde continue de tourner. Les autres ne voient pas que le couple se vide doucement de son intimité, de ses respirations, de sa légèreté.
Quand l’épuisement devient un mode de vie
Il ne s’agit pas d’une "fatigue passagère". C’est un épuisement chronique, silencieux, profond, qui finit par s’installer sans prévenir. Tu as des dossiers MDPH à remplir, des suivis à organiser, une vie professionnelle à concilier, des rendez-vous à honorer, créer des outils pour ton enfant, un foyer à faire tourner…Et le peu de temps que tu as pour toi, tu l’utilises pour chercher des solutions. Il y a des moments où tu n’en peux plus. Où tu as l’impression de faire tout ce qu’il faut, mais que rien ne change vraiment. Tu souris pour rassurer. Tu expliques pour éduquer les autres. Tu t’adaptes. Mais à l’intérieur, il y a des jours où ça craque.
Tu es dans un état d’hypervigilance permanent. Tu dors mal. Tu as parfois des trous de mémoire, des douleurs physiques, une irritabilité que tu ne reconnais pas . Et pourtant, tu continues. Parce qu’il le faut. Parce que tu l’aimes. Parce que tu n’as pas le choix.
.
Et parfois, la dépression s’installe doucement, sans bruit. Pas parce que tu es faible. Pas parce que tu n’aimes pas ton enfant. Mais parce que le poids que tu portes est énorme, et que personne ne t’a proposé de le poser, un instant. Souvent, la famille ne le voit pas. Parce qu’on ne s’autorise pas à montrer. Parce qu’on nous a appris à tenir, coûte que coûte.
La thérapie parentale : un espace pour toi
Trop souvent, on pense que ce sont les enfants autistes qui doivent être pris en charge. Mais on oublie que les parents aussi ont besoin d’aide. Parce qu’ils sont les premiers à tout ajuster, à tout encaisser, à tout faire tenir. Et qu’on ne peut pas soutenir durablement quelqu’un si on s’oublie totalement.
La thérapie, dans ce contexte, offre un espace pour respirer. Un espace pour poser ce que tu ne dis à personne. Pour exprimer ta fatigue sans culpabiliser. Pour dire que c’est dur sans te sentir jugé(e). Mais aussi un lieu pour réfléchir à tes besoins, pour te reconstruire, pour réajuster ce que tu vis… et petit à petit, retrouver une place qui ne soit pas seulement celle de parent aidant.
La thérapie permet donc de :
Déposer la charge mentale et émotionnelle,
Réduire l’épuisement moral,
Reprendre contact avec ses émotions,
Retrouver sa place dans le couple ou en tant qu’individu,
Ne plus se sentir seul(e) dans la traversée.
Ce n’est pas une faiblesse de demander de l’aide. C’est un acte de lucidité et de soin.
Un parent soutenu, c’est un parent qui peut durer dans le temps, sans s’éteindre intérieurement.
Tu existes, toi aussi.
Tu fais beaucoup. Tu fais bien plus que ce que les gens perçoivent. Mais tu as le droit de ne pas être toujours fort(e).Tu as le droit d’avoir besoin d’un espace pour toi. Tu as le droit de dire que c’est trop, parfois.
Être parent d’un enfant autiste demande une force invisible, que peu peuvent imaginer. Mais cette force ne devrait pas te coûter ton équilibre, ta santé, ton couple, ton identité.
Être parent d’un enfant autiste, c’est un chemin souvent solitaire, exigeant, et profondément engagé.
C’est une force qui ne se voit pas toujours. Mais elle est là. Et elle mérite d’être reconnue, respectée, soutenue.
Et si on en parlait ensemble ?
Je suis thérapeute spécialisée dans l’accompagnement des parents d’enfants autistes.
Mon approche repose sur les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), dans une atmosphère de respect, d’écoute sincère et sans jugement.
Si tu te reconnais dans cet article, si tu te sens épuisé(e), seul(e), perdu(e) ou simplement si tu as besoin d’un espace pour toi, je suis là pour t’accompagner. N'hésite pas à prendre rendez-vous juste ici.
Comments